"Quand le monstre hurle à l'intérieur, je m'entaille le biceps avec une lame de rasoir.

Tant bien que mal est un petit livre qui m’a touchée par la dureté des propos de l’écrivain, qui
raconte son histoire si tristement banale et à la fois tellement unique.
A 7 ans, Arnaud Dudek croise la mauvaise personne au mauvais moment.
En trente minutes, sa vie bascule.
L’enfant ne dira rien de ce qu’il lui est arrivé et va vivre « tant bien que mal », puis devenir adulte .
Sans rentrer dans les détails, Arnaud Dudek nous raconte en quelques phrases le viol dont il a été
victime et la façon dont sa vie s’est déroulée ensuite.
N’ayant jamais parlé à qui que ce soit de ce drame, par peur de décevoir, de subir la honte, le regard
des autres, l’écrivain affiche une solitude qui saute aux yeux du lecteur à chaque page.
Arnaud poursuit sa vie, ses études de lettres, « tant bien que mal » et, malgré « ses obsessions, ses
terreurs nocturnes, son inaptitude chronique à la décision », il se bat avec les moyens qu’il s’est
donnés, envers et contre tout pour réussir.
Lors des dernières pages de son récit, il nous livre cette envie qui lui est venue soudainement de
raconter son histoire.
Pas de véritable préparation à l’écriture, juste l’envie de cracher enfin le morceau qui est resté
pendant des années en lui.
Le livre nous conte deux périodes de la vie de l’écrivain :
La première est celle où, enfant, il continue de vivre comme si de rien n’était : il tente de se
reconstruire, rencontre des amis pour la vie, croise des femmes avec qui il a des aventures et à qui il
n’avouera jamais son secret, jusqu’à ce qu’il perde l’amour de sa vie et comprenne enfin la nécessité
qu’il a de parler pour sa propre survie et pour retrouver cette femme qu’il aime tant.
La solitude de son drame l’isole des autres, mais cet isolement est aussi un choix qu’il fait
consciemment, n’étant pas capable d’en parler à qui que ce soit.
La deuxième période à nous être contée est celle de l’homme de 30 ans, dont le
regard croise celui du violeur, qui ne semble même pas le reconnaître et à qui il envoie des lettres
anonymes pour le confronter à ses actes.
Là encore, le lecteur ressent l’isolement d’Arnaud dans le déni de sa souffrance qu’il ne peut même
pas exprimer face à son bourreau.
En devenant écrivain pour enfant, il parvient a ressusciter une partie de cette enfance enfouie en lui.
En écrivant, dit-il, il n’a aucun message à délivrer, juste le besoin d’écrire, de raconter des histoires à
l’enfant qu’il a un jour été et qui est mort à l’âge de ses 7 ans.
Pas de pathos dans ce livre, pas de condescendance, chaque mot sonne juste, les phrases sont
ciselées.
La résilience de l’écrivain est d’autant plus impressionnante par la façon dont il l’a menée dans le
silence, dans l’humilité, dans la discrétion .
Le livre est écrit de la même façon, le style austère ne laissant pas de place aux grands
émotions, malgré l’horreur qui nous est contée.