Les Loyautés de Delphine de Vigan
Les Loyautés n’est certes pas le meilleur livre de Delphine de Vigan, mais il fait réfléchir, tant il confronte les lecteurs que nous sommes à certaines réalités.
Dès les premières pages le ton est donné puisqu’il s’agit de loyautés auxquelles, nous sommes tous confrontés un jour où l’autre. Il est manifeste que le sujet tient beaucoup à cœur à l’écrivain. Car qui connaît l’écriture de Delphine de Vigan, perçoit très rapidement la sensibilité que dégage cette femme si humaine, si empathique ayant tant vécu.
Au travers de ses livres Delphine de Vigan donne le sentiment qu’elle est la fille d’à côté, celle qu’on a envie de connaître, à qui on a envie de se confier. Les Loyautés est un petit livre concis, brutal et angoissant dans lequel on sent très rapidement que les choses vont mal tourner. L’écriture est simple.
Quatre personnages, deux pré-ados, Theo et Mathis, qui se cachent, au collège, sous l’escalier de la cantine, pour boire une variété assez impressionnante d’alcools forts.
Les Loyautés ‘’Ce sont des promesses que nous avons murmurées ou dont nous ignorons l’écho.’’
Pour Mathis il s’agit avant tout de s’amuser « pour faire partie de la bande ».
Très vite celui-ci va se trouver dépassé par cette « activité » à laquelle il s’adonne avec soncopain Theo qui, lui, ne semble avoir aucune limite et cherche uniquement à atteindre le coma éthylique. Car si Theo n’exprime rien et semble se prêter à toutes les activités scolaires, sans trop d’entrain afin de ne pas attirer l’attention sur lui, son cas est beaucoup plus dramatique.
Le malaise est intense, l’isolement de Theo nous étrangle davantage à chaque page.
Theo partage ses semaines entre des parents divorcés. La mère n’a jamais digéré la séparation, au point de ne toujours pas savoir vivre avec l’échec de son mariage, ce qui la conduit à condamner le père de Theo jusqu’à vouloir le rendre inexistant aux yeux de son enfant ».
Quant au père, à la suite de la perte de son travail, il a sombré dans une grave dépression qui le cloue au lit depuis des années. Conséquence de la dose de médicaments qu’il ingurgite quotidiennement, il est totalement apathique et se laisse mourir à petit feu. Il vit dans un état de délabrement absolu.
Theo ne veut surtout pas blesser les êtres qu’il aime le plus au monde et qui ne remplissent pas leur rôle de parents.
D’une loyauté absolue, il est l’otage d’un conflit qui le réduit au silence.
La loyauté, Mathis aussi y est confronté, lorsque voyant bien que, à partir d’un certain moment, la situation devient grave, il se demande s’il doit « trahir » son copain en le dénonçant.
Et puis, il y a Hélène, l’institutrice, magnifique personnage, et Cécile, la mère de Mathis. Hélène, plus loyale qu’il est possible de l’être, a été une enfant battue et ressent la douleur de Théo sans parvenir à déceler son mal être. Elle pense qu’il est un enfant battu mais se trompe. Elle va tout risquer pour cet enfant, et se battre corps et âme pour le sauver.
D’emblée le personnage nous touche par sa compassion.
Comme Delphine de Vigan, Hélène a vécu des drames intimes, traumatisants (lire « Rien ne s’oppose à la Nuit ») qui décrit la relation perverse entre l’auteur et sa mère abusive!
L’écrivain et son personnage se confondent par leur sensibilité à fleur de peau, par leur empathie face à la souffrance de l’autre.
La mère de Mathis, Cécile, nous est beaucoup moins sympathique.
On sent que l’auteur ne l’aime pas même si elle la plaint. Cécile ne semble pas vraiment comprendre le mal de vivre de son fils tant elle est préoccupée par son problème personnel.
Si sa souffrance est réelle face à l’homme avec lequel elle vit et qui s’avère un véritable monstre, elle m’apparaît trop centrée sur sa propre douleur, sur cette soi-disant « loyauté ou plutôt « lâcheté » vis-à-vis de cet homme qu’elle a un jour aimé.
Selon moi, Il y a différentes formes de loyautés, certaines plus sincères, ce qui nous distingue, sans aucun doute, les uns et des autres.
C’est un livre grave qui traite de différents sujets tels que l’alcoolisme des jeunes, le maintien des apparences alors que tout s’effrite, l’isolement et la solitude que chacun éprouve face à un problème…
Ce livre est bouleversant de vérité.